10/08/2025

Le 18 octobre 2023, l’Union européenne a adopté une nouvelle directive (UE) 2023/2225 sur le crédit à la consommation, destinée à remplacer la directive 2008/48/CE. Cette réforme s’inscrit dans un double objectif : mieux protéger les consommateurs et adapter le cadre juridique à la digitalisation du marché du crédit en Europe.

La France a transposé cette directive par l’ordonnance 2025-880 du 3 septembre 2025, introduisant de nombreuses évolutions dans le Code de la consommation. Ces mesures ont un impact direct sur l’ensemble des acteurs du secteur : établissements de crédit, fintechs, captives automobiles, distributeurs proposant du BNPL, etc.

Les principales thématiques traitées par l’ordonnance

1. Renforcement de l’information précontractuelle

La directive impose une information renforcée avant la signature du contrat de crédit, afin d’améliorer la compréhension par l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit:

2. Évaluation renforcée de la solvabilité

L’ordonnance renforce les exigences concernant l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur :

3. Encadrement du « Buy Now Pay Later » (BNPL), de la LOA et des mini-crédits

La directive met fin aux régimes d’exception précédemment appliqués à certains crédits de faible montant et à la LOA :

4. Régulation renforcée de la publicité

La communication commerciale est désormais encadrée de manière plus stricte :

5. Accès et utilisation des données

Les exigences autour des données utilisées pour l’analyse de solvabilité sont clarifiées :

  • Usage limité à des données pertinentes, suffisantes et proportionnées
  • Encadrement strict du recours à l’intelligence artificielle et aux décisions automatisées
  • Obligation d’informer le consommateur sur les traitements algorithmiques utilisés

6. Formalisation des contrats

L’ordonnance précise les éléments que doivent contenir les contrats de crédit :

7. Rétractation et remboursement anticipé

Les droits des emprunteurs sont renforcés :

  • Maintien du droit de rétractation de 14 jours
  • Possibilité de remboursement anticipé, partiel ou total
  • Réduction proportionnelle des intérêts et frais, sauf exceptions justifiées

8. Contrôle, sanctions et conformité

Pour garantir l’efficacité du nouveau cadre, des mesures de contrôle renforcées sont mises en place :

Enjeux opérationnels pour les professionnels du crédit

Pour les établissements de crédit, les sociétés de financement, les captives automobiles, les fintechs ou encore les distributeurs proposant des solutions de paiement fractionné, cette réforme implique un travail d’adaptation non négligeable, notamment sur le plan opérationnel et technologique.

Les parcours digitaux devront être entièrement revus afin d’intégrer les nouvelles exigences de transparence, d’accessibilité et de lisibilité, imposées notamment pour les interfaces numériques. Les outils d’octroi devront être mis à jour pour refléter les nouvelles obligations en matière d’analyse de solvabilité : cela concerne tant les règles d’éligibilité que la gestion des données personnelles, notamment lorsqu’elles sont traitées de manière algorithmique ou via des modèles d’intelligence artificielle.

Les messages publicitaires devront être adaptés pour respecter les nouvelles interdictions (incitation au crédit facile, incitations financières à la souscription…) et intégrer systématiquement les mentions obligatoires (TAEG, avertissements…). Du côté conformité et juridique, un renforcement des contrôles internes et une mise en conformité documentaire sont indispensables pour répondre aux nouvelles obligations de traçabilité et d’auditabilité.

Si cette réforme marque une évolution importante dans le cadre juridique du crédit à la consommation en Europe, ses impacts sont plus limités en France, où le cadre réglementaire était déjà particulièrement exigeant. De nombreuses pratiques imposées par la directive étaient déjà en vigueur dans le droit français, notamment en matière de transparence, de publicité et de vérification de la solvabilité.

La nouveauté majeure réside dans le principe d’harmonisation maximale introduit par la directive 2023/2225 (CCD II), qui, contrairement à la directive de 2008, laisse très peu de marges de manœuvre aux États membres pour adapter les règles nationales. Cela renforce l’uniformité réglementaire au sein de l’UE, mais impose aussi à chaque acteur de s’y conformer strictement, sans possibilité d’adaptation locale.

La France a toutefois prévu quelques aménagements ciblés dans sa transposition :

· Une exemption pour les cartes à débit différé, qui ne seront pas soumises aux mêmes obligations que les autres crédits à la consommation

· Un allègement des informations précontractuelles pour les mini-crédits, afin de ne pas freiner leur distribution tout en maintenant une protection minimale

Les professionnels doivent dès à présent anticiper les prochaines étapes réglementaires, notamment les décrets d’application à venir, tout en lançant les chantiers internes nécessaires pour sécuriser leur conformité dans ce nouveau cadre juridique.

Olivier Kaeppelin, Partner

Olivier K

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